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Encre des jours
20 octobre 2009

Ne pas regarder en arrière

Invitation surprise. Que fait-il lundi ? Il regarde brièvement son triste agenda. Rien. Oui, alors avec plaisir. Ah, la première fondue de l'hiver. Déjà. Merci. Avec plaisir. A bientôt.

Cela ne se refuse pas. Même s'il aurait pu. Le voilà attablé devant une fondue avec deux femmes à ses côtés. Deux anciennes collègues qui ont maintenu le même cap. Lui était parti depuis bien longtemps. L'aviation semble faire partie d'une autre vie. Elles sont toujours de ce monde décalé fait de procédures, de stress et peuplé de passagers impatients et mécontents. Si tu voyais comme la compagnie a changé en cinq ans. De loin, tout lui paraît figé. Et l'inévitable question. Et toi ? Non, cela ne lui manque pas.

Et sur le tapis, ce petit chien qui s'acharne sur la lanière de son sac. Sale bête. Il est le seul a avoir perçu les ondes négatives qu'il disperse dans la pièce. Il s'ennuie en écoutant les récits d'un autre monde, d'un temps passé.

Il saisit sa veste et l'enfile un peu vite. Trop. Ont-elles perçu l'impatience dans ce geste ? Il doit prendre le dernier train. Merci pour tout. Tout quoi ? Après tout, c'était une agréable césure dans son morne quotidien. A l'extérieur, l'hiver encore jeune traverse sournoisement ses habits. Il force le pas. Autant pour se réchauffer que pour se rassurer. Le train n'est pas encore arrivé. Une jeune femme court dans la direction opposée. Puis revient. Elle pose son fardeau. Un grand étui. Il arrive sur ce quai ? Oui, c'est la bonne direction. Il arrive dans deux minutes.

Il force un demi sourire. Ce doit être un violoncelle. On dirait qu'il est dans un sarcophage. Il jette un regard dans sa direction. La musique rend-elle les musiciennes encore plus belles que les autres ? Trois lueurs ponctuent l'horizon. Pas trop tôt. Il s'est fait désiré. Elle monte dans le train. Lui juste après elle en détournant le regard. Non, il ne va pas aborder toutes les musiciennes qu'il croise. Il n'a pas la tête à cela. Et il n'a pas complètement oublié l'autre musicienne. Il s'assied plus loin dans le wagon. Il sort un livre et s'y enferme. Ce soir, cette nuit, il ne parlera à plus personne. Il n'aspire qu'à se perdre dans ce récit de voyage. Tromper l'ennui. Puis se laisser happer par cette histoire.

Un homme est parti. Presque au hasard. Un jour, quelque part, on lui a tout volé. Surtout ses notes de voyage. En perdant tout, il s'est retrouvé.

Il lève les yeux. Il est arrivé. Il abaisse son bouclier et part à l'assaut des quelques minutes à pieds qui le séparent de chez lui. Il ne parvient toujours pas à marcher lentement.

Où est l'urgence ?

C'est lui, toujours impatient. Même si le lendemain ne lui a rien promis.

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