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Encre des jours
14 juin 2010

Orchidée

Hier soir, le concert était magnifique. Une fois encore, les mots se refusent à lui. Il semble les avoir épuisés à force d'avoir usé des superlatifs. Tout ce qu'il a pu faire, c'est attendre quelques minutes après la fin. Simplement pour lui glisser quelques phrases et montrer qu'il était là. Encore et presque toujours. Sa présence répétée devient un compliment.

Depuis plusieurs jours, il se dit que cela ne suffit pas, qu'il devrait faire un geste, une preuve plus tangible de ce qu'il ressent pour elle. Naturellement, il a pensé à un bouquet de fleurs. Classique, mais toujours plaisant. Le dire avec des fleurs, mais lesquelles ? Il songe d'abord aux roses rouges, mais c'est trop. Trop cliché, trop appuyé. Il cherche une fleur à l'image de cette fille exceptionnelle. Il se renseigne et plonge dans ce tourbillon de couleurs. A en perdre la tête. Il a tant de choses à faire dire à une simple plante. Il lui en faut une qui sorte de l'ordinaire. Et tout à coup cette évidence, ce sera une orchidée. Violette. Foncée. Parfait pour une femme à la beauté singulière. Fine, élégante avec un soupçon de mystère. Intimidante, mais tellement attirante. Inoubliable.

Il pensait d'abord faire livrer l'orchidée. Mais pourquoi se priver de découvrir la réaction sur son visage ? Parce qu'il est terrifié. Parce que cela semble être la chose la plus dure qu'il ait eu à faire depuis longtemps. Pourtant, il sait qu'il ne doit pas reculer, qu'il doit oser aller frapper à sa porte et se confronter à elle.

Il passe la commande. Un pas de plus. Il s'approche du point de non-retour. C'est décidé. Obligé. Pas d'excuse. Plus d'excuse.

Il arrive chez le fleuriste. L'orchidée est superbe. Il ne sait pas s'il a vu juste, mais elle lui plaît. Pas le temps de traîner, il saute dans le train. Dans le wagon, il ne passe pas inaperçu. Pas étonnant avec une si belle plante dans les bras. Il est presque à destination.

Il marche de longues minutes au bord de la route en pente. Il se dit qu'il est fou, que cela ne rime à rien, qu'il ne doit pas chercher à se comprendre. Dans sa tête, il cherche les mots justes, les phrases appropriées. Ce n'est pas un film, il va devoir improviser. Voici la bonne adresse, le bon numéro. Apparemment. Est-ce bien là ? Il est devant la porte. Personne. Sa voiture n'est pas là. Il est très déçu. Il avait envisagé la possibilité qu'elle soit absente. Il dépose l'orchidée sur le seuil et glisse une enveloppe à côté. Une lettre. Que des mots qui ne remplaceront pas la rencontre manquée. Des mots qui ne disent pas qu'il n'a jamais cessé d'espérer que quelque chose se passe, qu'elle change d'avis, qu'elle éprouve des sentiments pour lui. Ces mots n'avoueront pas à quel point il est devenu dépendant de ses concerts. Qu'il ne sait plus s'il aime la musicienne ou la musique. L'une lui a fait aimer et découvrir l'autre. Et vice-versa. La feuille est trop petite pour contenir tout cela et bien plus. Il espère que l'orchidée ne sera pas incomprise.

A présent, il ne peut que rebrousser chemin. C'était comme un dernier recours. Si elle reste totalement insensible à ce geste, il se promet de ne plus insister.

Durant les jours qui viennent, il guettera un signe, une réponse, un appel ou une lettre, un message, n'importe quoi. Si rien n'arrive, il comprendra.

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