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Encre des jours
28 février 2010

Peut-être

Il cultive l'incertitude, le peut-être, le on-ne-sait-jamais. Il aime quand tout reste ouvert et rien n'est assuré. Et lorsque quelque chose arrive, il l'apprécie d'autant plus.

Il y a quelques jours, il commençait à se dire que cela serait une bonne idée de revoir la musicienne en concert. Peut-être. Plus les jours avançaient, plus il se disait pourquoi pas ? Le concert se déroulera à deux pas de chez lui, dans la même ville.

Hier, il était sur les pistes de ski, en plein air, au soleil. Il savourait la douce fraîcheur alpine en dévalant les pistes. La neige, docile, se laissait aisément dompter. Superbe journée.

Aujourd'hui, il souhaite s'offrir cette parenthèse musicale, ce moment à part, après une semaine où il a surtout attendu. Il a espéré. Il n'a pas encore eu de réponse. A présent, il se donne au moins une certitude : il va se rendre à son concert. Il est parti en coup de vent de chez lui alors qu'il n'est pas en retard. Ce n'est pas loin. Il se rappelle de l'adresse. Cela doit être cette rue ou la suivante. A moins que ce ne soit celle-là. Pas possible. Trop loin. Et l'incertitude qui lui fait un clin d'oeil. Il reste cinq minutes. Il force le pas. Il ne peut pas arriver en retard. Il ne veut pas se retrouver au fond de la salle. Trop loin. Cela ne peut être que là. Dans cette petite ruelle. Une galerie d'art ? Une fumeuse s'attarde devant la porte. C'est bien là le concert ? Oui, oui. Moins une. Il entre. Excusez-moi. Il jette un regard dans la petite pièce - des rangées de personnes, partout - puis s'adresse à la dame. Il reste une place ? Oui, juste là et pointe le doigt sur un siège, à part, sur le côté, tout devant, un strapontin de luxe pour un retardataire chanceux. Des gens, amusés, tournent la tête dans sa direction. Il esquisse un sourire. Cette place l'attendait. En face, le duo est déjà entré en scène. Un guitariste et une flûtiste de pan.

Elle.

Celle qui attire tous les regards. Dès les premières notes, il est heureux d'être là. Il se laisse porter par la musique et oublie tout le reste, tout se qui se déroule en dehors de cette pièce. Il reste là, assis, figé, comme hypnotisé. Pourtant, il ressent en lui une vibration, une émotion qu'il ne comprend pas, mais qui lui fait un bien fou. Au coin de l'oeil, il écarte discrètement une demie larme. Une goutte presque insignifiante. Peut-être imaginaire, mais qui en dit long sur son état. Les morceaux s'enchaînent tandis qu'il reste prisonnier de sa musique. Elle est cette sirène presque inconsciente de son pouvoir sur de simples hommes. Déjà la fin. Le duo s'incline sous les applaudissements. Et le rappel. Rien ne dure. La vraie fin.

Cette fois, il ne veut pas s'enfuir sans lui parler. Il s'approche lentement d'elle. Elle est déjà occupée à répondre à quelques spectateurs conquis. Comme lui. Comme d'habitude. Il lui glisse des félicitations. Toujours un plaisir. Un commentaire sobre. Des mots pour en cacher d'autres. Ceux qu'il ne peut pas prononcer. Parce que ce n'est pas le moment. Parce que cela ne changera rien. Il voudrait lui dire qu'elle est lumineuse, qu'elle a la beauté radieuse que dans cette élégante robe noire, elle a une classe et un charme incroyables.

Il erre encore plusieurs minutes dans la galerie. Il n'arrive pas à partir tout de suite. Il en profite pour découvrir les toiles et les tableaux dans la pièce d'à côté. Pour se donner le temps de partir en douceur. Derrière lui, il entend quelques pas. C'est elle. Elle s'apprête à ranger son instrument et ses affaires. Faussement nonchalant, il commence à lui parler, prend de ses nouvelles et explique où il en est. En réalité, il ne sait plus du tout. Ils discutent une poignée de minutes. Il se perd dans son visage, son regard, son sourire. Et toujours cette douceur, cette simplicité. Sent-elle seulement qu'il est troublé ? Peut-être.

Et ensuite ? Rien, plus rien. Il n'a plus le droit de rêver. Il n'ose plus espérer. Il ne peut que lui dire au revoir, à bientôt.

En rentrant sous la pluie, il se dit que cela valait tout de même la peine de venir.

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