Jour de ménage

Machinalement, il a recommencé à écrire, sans réfléchir, sans savoir précisément ce qui allait sortir de sa plume. Durant ces dernières semaines, il a accumulé de nombreux faisceaux de pensées. Après plusieurs tentatives, il n'a toujours pas réussi à les trier, à décider ce qui importe, ce qui compte et ce qui encombre. Il a besoin de se libérer, de partager. Toujours cette absurde pudeur. Il devrait pouvoir tout écrire ici. Il peine à s'avouer qu'il traverse une période trouble, qu'il a besoin de s'exprimer, se livrer, se confier. Bref, le temps est venu de faire de l'ordre dans sa vie. Il ne va pas changer d'un jour à l'autre. Avant tout, il doit admettre qu'il a besoin d'aide et qu'il n'y a pas de honte à l'avouer. Oui, tout ne tourne pas rond dans son petit monde. Ses humeurs trébuchent et sautillent régulièrement. Cependant, il est rarement dans les extrêmes. Plutôt dans les zones grises. Pour lui, le bonheur c'est avoir l'esprit en paix, la capacité à vivre le présent sans le subir et à voir l'avenir sans le craindre. Malheureusement, demain est flou.

Seul, il n'a pas pu retrouver de travail. Il n'a pas de fonction. Il travaille pour lui et personne ne le paie. Ainsi, il ne pourra plus durer longtemps. Alors, il a remballé sa fierté de pacotille et il est allé s'inscrire au chômage. Voilà, il l'a dit, il l'a écrit. Aveu de faiblesse ? Non. Enfin un éclair de lucidité. Face à la conseillère professionnelle, il se sentait coupable. Après tout, c'est de sa faute s'il n'a plus de travail. Il joue à l'artiste. C'est sa façon de vivre. Créer. Parce qu'il ne sait rien faire d'autre. Il vit dans son univers parallèle. Il parle, raconte son parcours, ses autres vies. En face, la dame acquiesce. Il énumère ses papiers, ses expériences. Très bien. Tracé atypique. Il a des atouts. Bonne base. Il y a de quoi faire. Rendez-vous dans une semaine. Merci. A bientôt.

Il redémarre. Il s'organise. Il cherche. Il a ressorti son agenda. Il remplit les blancs, il garnit les vides de rendez-vous, de projets et d'espoir. Chaque jour, il déchire avec plaisir le coin de la page de la veille. Feuille par feuille, il s'approche d'un lendemain meilleur.